Suspicions de corruption à Batier
Dano
28 - 12 - 2018, 17:58
CMA de Batié : Qui a volé l’échographe ?
Le Centre médical avec antenne chirurgical (CMA) de Batié a été doté d’un échographe en 2008 par le ministère de la Santé. Il a été livré par l’ancienne Direction générale des infrastructures d’équipements et de la maintenance (DEGIEM). Trois ans plus tard, l’appareil a disparu dans des circonstances non encore élucidées. Plus de sept ans après, l’échographe est toujours sans trace. Ce qui oblige les usagers, surtout les femmes à parcourir des centaines de km pour leurs besoins d’examens avec tous les risques possibles sur la mère et le fœtus.
Yembour Céline Dah est enseignante à l’école primaire « B » de Batié, chef-lieu de la province du Noumbiel. Avec une fillette de 28 mois dans les bras, Mme Dah est à son 3e accouchement. Mais pour son dernier geste, elle a eu des complications, l’obligeant ainsi à faire une échographie pour s’assurer de la vitalité de son fœtus. « J’avais beaucoup de saignements et le maïeuticien m’a recommandé une échographie », souligne-t-elle, le 30 septembre 2018.
Le Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) de Batié ne disposant pas d’échographe, elle s’est vue obligée de se rendre au Centre hospitalier régional (CHR) de Gaoua à 67 km pour le faire. Pour ce voyage, elle s’est fait remorquer par son époux à motocyclette, le 27 juillet 2016 à son 7e mois de grossesse, sur une voie non bitumée et impraticable. « Nous avons démarré à 8h et nous sommes arrivés à Gaoua aux environs de 11h. Le voyage a été très pénible pour moi. Je sentais que mon fœtus bougeait beaucoup et j’avais très mal à la hanche », confie l’institutrice, toute révoltée.
Une fois au CHR, elle a dû profiter de la longue file d’attente pour retrouver ses esprits. Après 4h d’attente, c’est finalement aux environs de 15h qu’elle a pu réaliser son échographie contre 5000F CFA, le coût de la prestation. Après l’avoir rassurée de la bonne santé de son bébé, le médecin lui fera savoir qu’au regard de son état, il n’est pas prudent d’effectuer ce genre de déplacement.
Une échographie chaque trimestre
Ce calvaire, Ela Somé l’a également vécu en 2016, lorsqu’elle accompagnait sa fille qui portait une grossesse de sept mois pour le même examen.Pour un trajet de quatre heures à bord d’un véhicule de transport en commun, les deux passagères ont déboursé 8000 F CFA en aller-retour.« La route était impraticable et ses œdèmes se sont accentués parce qu’elle est restée longtemps assise dans le car », se souvient toujours dame Somé, ce 2 octobre 2018. Ce même itinéraire, la coordonnatrice communale des femmes de Batié, Dah Kerbou, l’a emprunté à deux reprises.
D’abord le 30 avril 2015, pour une échographie pelvienne et le 4 décembre 2017 pour une échographie abdominale – pelvienne.Pour le suivi des grossesses, le responsable de la maternité du CMA de Batié, Dr Wendpenga Antoine Sana, indique que pour vérifier la vitalité du fœtus, il y a, en plus des examens de sang, des examens morphologiques, dont l’échographie obstétricale.
Celle-ci,selon Dr Sana, permet de suivre le bon déroulement de la grossesse et il en faut au moins trois. «Au premier trimestre, c’est d’abord pour confirmer la grossesse et sa situation afin d’agir à temps en cas de grossesse extra-utérine. A 6 mois, l’échographie permet de suivre le développement du fœtus et de détecter d’éventuelles malformations. Enfin au 3e trimestre, elle permet de voir la présentation du futur bébé», a soutenu Dr Sana qui n’exclut pas d’autres échographies en cas de nécessité. « Si la femme enceinte a une pathologie médicale associée, une échographie abdominale ou pelvienne lui sera demandée pour apprécier l’état gynécologique de l’appareil génital», insiste le responsable de la maternité.
A cela s’ajoutent des échographies abdominales pour apprécier les organes tels que le foie, la vésicule biliaire, le pancréas, les reins et la rate chez l’homme ainsi que chez la femme. «Ici à Batié, elles ne sont pas nombreuses celles qui arrivent à honorer ces trois rendez-vous, du fait du manque de moyens pour se rendre à Gaoua », déplore le médecin. Du coup, malgré le besoin, les spécialistes n’attendent pas toujours les échographies avant d’intervenir.
Le ver est dans le fruit
La liste des déplacements est longue. Elles sont donc nombreuses ces futures mères et autres usagers du CMA de Batié, dont la prise en charge nécessite une échographie, à subir le même sort. La raison, ledit centre ne dispose plus d’échographe, et ce, depuis la disparition de leur premier appareil en 2011.
D’un coût estimé à huit millions francs CFA, il s’agissait d’un portatif de marque L0GIQTM ALPHA 100-V4, doté par le ministère de la Santé en 2008 et livré par l’ancienne Direction générale des infrastructures d’équipements et de la maintenance (DEGIEM). Dans la matinée du 11 octobre 2018, à Ouagadougou, l’ancien Médecin-chef de district (MCD) de Batié, Dr Issaka Compaoré (2002-2009) se souvenait toujours. «L’échographe faisait partie de la dotation du CMA, mais il a été livré après les autres équipements. », a-t-il souligné.
Comme lui, le technologiste biomédical du laboratoire du CMA de Batié au moment de la livraison de l’échographe, Cérile Waogo, actuellement surveillante d’unité technique et Secrétaire général (SG) de la section provinciale du Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA/Batié), se rappelle de la présence du maintenancier de la région, Karim Yamba, dans la délégation qui a installé l’appareil. Mais malgré notre insistance, M. Yamba, présentement en stage à l’hôpital Yalgado, n’a pas souhaité nous rencontrer pour plus de précisions.
Après sa réception, le matériel a été installé dans la salle de consultation des médecins, dans le bâtiment abritant le bloc opératoire. « Il était dans le bureau de consultation du médecin et à l’époque, j’étais le seul qualifié à l’utiliser. Il a soulagé la population surtout au niveau de la maternité», a reconnu Dr Compaoré, premier manipulateur du joyau. Un an après, M. Compaoré a été remplacé en 2009 par Dr Emmanuel Nikiéma comme MCD avec pour adjoint plus tard en 2010, Dr Omar Ouattara.
Tous les deux ont poursuivi leurs consultations dans la même salle et ils étaient les seuls à utiliser l’échographe jusqu’à sa disparition en 2011.Une disparition annoncée par les deux responsables sans autres précisions sur la date, encore moins les circonstances. Le personnel de santé de la province voit dans cette absence inexpliquée un détournement. « Aucune effraction n’a été constatée sur le bâtiment. Ce qui a le plus étonné le personnel est que la porte était restée fermée après le forfait », argue l’attaché de santé en chirurgie, Poussibi Kaboré, chargé de la formation syndicale du SYNTSHA, au moment des faits.
Pas de plainte de vol
Pour le syndicat, Batié étant une petite localité, très peu de gens connaissent l’appareil et son utilité. « Nous soupçonnons fortement le personnel de santé. Maintenant est-ce les deux utilisateurs ou d’autres agents du CMA, je ne saurais le dire ? », confie Cérile Waogo. Son collègue Kaboré est quant à lui formel : « S’il y a des gens à interroger, c’est d’abord les détenteurs des clés que sont le MCD et son adjoint ». La non-ouverture d’une enquête juste après la disparition de la machine conforte la position des Batiélais. « C’est le silence de l’administration et la pression des rumeurs qui accusaient le personnel du CMA qui nous ont conduits chez le MCD», indique le premier responsable syndical de Batié, M. Waogo.
Il ajoute qu’au sortir de l’une de leurs rencontres, le MCD a fait savoir qu’après le constat de la disparition de l’appareil, il a informé le haut-commissaire de la province, Alhadi Diallo, la police et la gendarmerie. Ce jour-là, a-t-il poursuivi, Poussibi Kaboré a reproché au MCD de s’être limité à la simple déclaration de perte. « J’ai saisi la Police et la Gendarmerie pour les informer de la situation. N’étant pas un spécialiste du domaine, il leur appartenait de m’indiquer la conduite à tenir », avait rétorqué Dr Nikiéma à ses accusateurs. Contacté à plusieurs reprises pour avoir sa version, Dr Emmanuel Nikiema, n’a pas voulu se prononcer.
Concernant la déclaration de perte, après plusieurs passages à la police et à la gendarmerie, nous n’avons trouvé aucune trace du dossier dans leurs registres. C’est seulement un bout de papier portant la mention du commissaire de police sous le n°990 du 10 octobre 2011que détenait la secrétaire du MCD. De même que le manuel d’usage de l’échographe et sa fiche technique.«L’affaire peut être toujours d’actualité, mais la simple déclaration de perte ne met pas systématiquement la police judicaire en mouvement », déclare l’actuel chef de brigade de la gendarmerie de Batié, Idrissa Ouoba.
Des populations révoltées
L’absence de l’équipement médical intrigue aussi la population. « Nous avons appris que l’appareil a été volé. Nous nous sommes déportés sur les lieux où nous avons constaté que la porte n’a pas été forcée alors qu’on ne peut pas faire sortir l’appareil par les fenêtres », s’étonne Sanhowa John Dah, le représentant du chef de terre de Batié.
Nous n’avons pas pu vérifier l’intérieur de ladite salle parce que l’accès nous a été refusé à deux reprises par l’actuel MCD, Dr Abdoul Azize Traoré. D’abord dans la journée du 1er octobre, en lieu et place de la salle de consultation, Dr Traoré s’est contenté de procéder à une visite guidée des autres salles du bloc. La 2e tentative dans la nuit du 3 octobre, le MCD et ses deux gestionnaires, Dominique Nana et Madi Sawadago, nous ont conduits juste devant la salle ou était logé l’échographe sans nous ouvrir l’entrée. Même les simples prises de vues de la porte n’ont pas été admises. Face au flou qui entoure la disparition de l’échographe, les femmes, premières victimes ont voulu marcher avec les jeunes de la localité. Ils ont vite été dissuadés par des «supposés partisans » du Dr Nikiéma.
La population a finalement marché sur le haut-commissariat en 2012. Face à cette situation, le chef de terre de Batié avait recommandé aux manifestants une autre démarche. « Il avait voulu faire recours à la foudre pour retrouver le coupable », relate son représentant.Cette option n’avait pas emballé les marcheurs sous prétexte que des recherches étaient en cours.« Si aujourd’hui la population donne le feu vert, nous invoquerons la foudre. Celle-ci ne ment pas », confie le porte-parole du chef coutumier.
Le 3 octobre 2018, le responsable des jeunes de la province, Sotolo Sié, affirme que c’est au sortir d’une rencontre en 2011, entre les jeunes et le MCD que celui-ci a notifié que l’appareil se trouve à Léo, dans la province de la Sissili sans plus de détails. Des propos confirmés par le gestionnaire du CMA, Dominique Nana, en service depuis 2008. Il avoue qu’un jour il a vu le MCD se rendre à la police avec un gros document parce qu’il a appris que l’appareil se trouvait à Léo, chef-lieu de la province de la Sissili, à 149 Km de Batié.
Partis sur les traces de l’échographe à Léo, nous avons fait le tour de plusieurs formations sanitaires sur place à Léo. Sur six appareils répertoriés dans les quatre structures sanitaires de la ville, aucun n’avait les mêmes caractéristiques que celui disparu à Batié(L0GIQTM Alpha 100-V4). D’abord au Centre médico-chirurgical Dr Boukaré Sedogo, trois échographes dont deux portatifs sont tous venus de l’Allemagne, selon le directeur du centre, Omar Ouédraogo. Le 1er acheté en 2014 est de marque Siemens. Le 2e, une livraison de 2015 est Philips et le 3e est de marque Logio DC 2000 arrivé en 2017. Au CMA, l’unique appareil est aussi de marque Siemens, doté en fin 2011 par les mêmes Allemands intervenant au Centre médico-chirurgical Dr Boukaré Sedogo.
Le Centre de soins Notre- Dame- de- la- Miséricorde, dispose de deux appareils, dont un portatif offerts par des partenaires italiens. Les six échographes sont tous utilisés par un seul technicien supérieur en radiologie, Dieudonné Tancoano. « S’il y avait un tel appareil dans la zone, à vue d’œil, j’allais le reconnaître », a-t-il dit lorsque nous lui avons présenté la fiche technique et le manuel d’usage de l’échographe de Batié.
Un seul échographe portatif servant dans la zone lui échappe, celui du cabinet de soins médicaux« Win Malimé ».Selon le représentant du responsable de ce cabinet, l’appareil appartient à un certain Zongo résidant à Ouagadougou et qui intervient occasionnellement en l’absence de M. Tancoano. Nous avons essayé en vain de contacter le sieur Zongo.
Cette disparition de l’échographe a été portée devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Gaoua depuis le 5 octobre 2012. Selon l’actuel procureur de Gaoua, Yssouf Sanou, que nous avons rencontré le 4 octobre dernier, l’affaire suit toujours son cours. Mais pendant combien de temps les batiélais vont-ils continuer à parcourir de longues distances pour de simples échographies ?
Mariam OUEDRAOGO
Source Sidwaya
Le Centre médical avec antenne chirurgical (CMA) de Batié a été doté d’un échographe en 2008 par le ministère de la Santé. Il a été livré par l’ancienne Direction générale des infrastructures d’équipements et de la maintenance (DEGIEM). Trois ans plus tard, l’appareil a disparu dans des circonstances non encore élucidées. Plus de sept ans après, l’échographe est toujours sans trace. Ce qui oblige les usagers, surtout les femmes à parcourir des centaines de km pour leurs besoins d’examens avec tous les risques possibles sur la mère et le fœtus.
Yembour Céline Dah est enseignante à l’école primaire « B » de Batié, chef-lieu de la province du Noumbiel. Avec une fillette de 28 mois dans les bras, Mme Dah est à son 3e accouchement. Mais pour son dernier geste, elle a eu des complications, l’obligeant ainsi à faire une échographie pour s’assurer de la vitalité de son fœtus. « J’avais beaucoup de saignements et le maïeuticien m’a recommandé une échographie », souligne-t-elle, le 30 septembre 2018.
Le Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) de Batié ne disposant pas d’échographe, elle s’est vue obligée de se rendre au Centre hospitalier régional (CHR) de Gaoua à 67 km pour le faire. Pour ce voyage, elle s’est fait remorquer par son époux à motocyclette, le 27 juillet 2016 à son 7e mois de grossesse, sur une voie non bitumée et impraticable. « Nous avons démarré à 8h et nous sommes arrivés à Gaoua aux environs de 11h. Le voyage a été très pénible pour moi. Je sentais que mon fœtus bougeait beaucoup et j’avais très mal à la hanche », confie l’institutrice, toute révoltée.
Une fois au CHR, elle a dû profiter de la longue file d’attente pour retrouver ses esprits. Après 4h d’attente, c’est finalement aux environs de 15h qu’elle a pu réaliser son échographie contre 5000F CFA, le coût de la prestation. Après l’avoir rassurée de la bonne santé de son bébé, le médecin lui fera savoir qu’au regard de son état, il n’est pas prudent d’effectuer ce genre de déplacement.
Une échographie chaque trimestre
Ce calvaire, Ela Somé l’a également vécu en 2016, lorsqu’elle accompagnait sa fille qui portait une grossesse de sept mois pour le même examen.Pour un trajet de quatre heures à bord d’un véhicule de transport en commun, les deux passagères ont déboursé 8000 F CFA en aller-retour.« La route était impraticable et ses œdèmes se sont accentués parce qu’elle est restée longtemps assise dans le car », se souvient toujours dame Somé, ce 2 octobre 2018. Ce même itinéraire, la coordonnatrice communale des femmes de Batié, Dah Kerbou, l’a emprunté à deux reprises.
D’abord le 30 avril 2015, pour une échographie pelvienne et le 4 décembre 2017 pour une échographie abdominale – pelvienne.Pour le suivi des grossesses, le responsable de la maternité du CMA de Batié, Dr Wendpenga Antoine Sana, indique que pour vérifier la vitalité du fœtus, il y a, en plus des examens de sang, des examens morphologiques, dont l’échographie obstétricale.
Celle-ci,selon Dr Sana, permet de suivre le bon déroulement de la grossesse et il en faut au moins trois. «Au premier trimestre, c’est d’abord pour confirmer la grossesse et sa situation afin d’agir à temps en cas de grossesse extra-utérine. A 6 mois, l’échographie permet de suivre le développement du fœtus et de détecter d’éventuelles malformations. Enfin au 3e trimestre, elle permet de voir la présentation du futur bébé», a soutenu Dr Sana qui n’exclut pas d’autres échographies en cas de nécessité. « Si la femme enceinte a une pathologie médicale associée, une échographie abdominale ou pelvienne lui sera demandée pour apprécier l’état gynécologique de l’appareil génital», insiste le responsable de la maternité.
A cela s’ajoutent des échographies abdominales pour apprécier les organes tels que le foie, la vésicule biliaire, le pancréas, les reins et la rate chez l’homme ainsi que chez la femme. «Ici à Batié, elles ne sont pas nombreuses celles qui arrivent à honorer ces trois rendez-vous, du fait du manque de moyens pour se rendre à Gaoua », déplore le médecin. Du coup, malgré le besoin, les spécialistes n’attendent pas toujours les échographies avant d’intervenir.
Le ver est dans le fruit
La liste des déplacements est longue. Elles sont donc nombreuses ces futures mères et autres usagers du CMA de Batié, dont la prise en charge nécessite une échographie, à subir le même sort. La raison, ledit centre ne dispose plus d’échographe, et ce, depuis la disparition de leur premier appareil en 2011.
D’un coût estimé à huit millions francs CFA, il s’agissait d’un portatif de marque L0GIQTM ALPHA 100-V4, doté par le ministère de la Santé en 2008 et livré par l’ancienne Direction générale des infrastructures d’équipements et de la maintenance (DEGIEM). Dans la matinée du 11 octobre 2018, à Ouagadougou, l’ancien Médecin-chef de district (MCD) de Batié, Dr Issaka Compaoré (2002-2009) se souvenait toujours. «L’échographe faisait partie de la dotation du CMA, mais il a été livré après les autres équipements. », a-t-il souligné.
Comme lui, le technologiste biomédical du laboratoire du CMA de Batié au moment de la livraison de l’échographe, Cérile Waogo, actuellement surveillante d’unité technique et Secrétaire général (SG) de la section provinciale du Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA/Batié), se rappelle de la présence du maintenancier de la région, Karim Yamba, dans la délégation qui a installé l’appareil. Mais malgré notre insistance, M. Yamba, présentement en stage à l’hôpital Yalgado, n’a pas souhaité nous rencontrer pour plus de précisions.
Après sa réception, le matériel a été installé dans la salle de consultation des médecins, dans le bâtiment abritant le bloc opératoire. « Il était dans le bureau de consultation du médecin et à l’époque, j’étais le seul qualifié à l’utiliser. Il a soulagé la population surtout au niveau de la maternité», a reconnu Dr Compaoré, premier manipulateur du joyau. Un an après, M. Compaoré a été remplacé en 2009 par Dr Emmanuel Nikiéma comme MCD avec pour adjoint plus tard en 2010, Dr Omar Ouattara.
Tous les deux ont poursuivi leurs consultations dans la même salle et ils étaient les seuls à utiliser l’échographe jusqu’à sa disparition en 2011.Une disparition annoncée par les deux responsables sans autres précisions sur la date, encore moins les circonstances. Le personnel de santé de la province voit dans cette absence inexpliquée un détournement. « Aucune effraction n’a été constatée sur le bâtiment. Ce qui a le plus étonné le personnel est que la porte était restée fermée après le forfait », argue l’attaché de santé en chirurgie, Poussibi Kaboré, chargé de la formation syndicale du SYNTSHA, au moment des faits.
Pas de plainte de vol
Pour le syndicat, Batié étant une petite localité, très peu de gens connaissent l’appareil et son utilité. « Nous soupçonnons fortement le personnel de santé. Maintenant est-ce les deux utilisateurs ou d’autres agents du CMA, je ne saurais le dire ? », confie Cérile Waogo. Son collègue Kaboré est quant à lui formel : « S’il y a des gens à interroger, c’est d’abord les détenteurs des clés que sont le MCD et son adjoint ». La non-ouverture d’une enquête juste après la disparition de la machine conforte la position des Batiélais. « C’est le silence de l’administration et la pression des rumeurs qui accusaient le personnel du CMA qui nous ont conduits chez le MCD», indique le premier responsable syndical de Batié, M. Waogo.
Il ajoute qu’au sortir de l’une de leurs rencontres, le MCD a fait savoir qu’après le constat de la disparition de l’appareil, il a informé le haut-commissaire de la province, Alhadi Diallo, la police et la gendarmerie. Ce jour-là, a-t-il poursuivi, Poussibi Kaboré a reproché au MCD de s’être limité à la simple déclaration de perte. « J’ai saisi la Police et la Gendarmerie pour les informer de la situation. N’étant pas un spécialiste du domaine, il leur appartenait de m’indiquer la conduite à tenir », avait rétorqué Dr Nikiéma à ses accusateurs. Contacté à plusieurs reprises pour avoir sa version, Dr Emmanuel Nikiema, n’a pas voulu se prononcer.
Concernant la déclaration de perte, après plusieurs passages à la police et à la gendarmerie, nous n’avons trouvé aucune trace du dossier dans leurs registres. C’est seulement un bout de papier portant la mention du commissaire de police sous le n°990 du 10 octobre 2011que détenait la secrétaire du MCD. De même que le manuel d’usage de l’échographe et sa fiche technique.«L’affaire peut être toujours d’actualité, mais la simple déclaration de perte ne met pas systématiquement la police judicaire en mouvement », déclare l’actuel chef de brigade de la gendarmerie de Batié, Idrissa Ouoba.
Des populations révoltées
L’absence de l’équipement médical intrigue aussi la population. « Nous avons appris que l’appareil a été volé. Nous nous sommes déportés sur les lieux où nous avons constaté que la porte n’a pas été forcée alors qu’on ne peut pas faire sortir l’appareil par les fenêtres », s’étonne Sanhowa John Dah, le représentant du chef de terre de Batié.
Nous n’avons pas pu vérifier l’intérieur de ladite salle parce que l’accès nous a été refusé à deux reprises par l’actuel MCD, Dr Abdoul Azize Traoré. D’abord dans la journée du 1er octobre, en lieu et place de la salle de consultation, Dr Traoré s’est contenté de procéder à une visite guidée des autres salles du bloc. La 2e tentative dans la nuit du 3 octobre, le MCD et ses deux gestionnaires, Dominique Nana et Madi Sawadago, nous ont conduits juste devant la salle ou était logé l’échographe sans nous ouvrir l’entrée. Même les simples prises de vues de la porte n’ont pas été admises. Face au flou qui entoure la disparition de l’échographe, les femmes, premières victimes ont voulu marcher avec les jeunes de la localité. Ils ont vite été dissuadés par des «supposés partisans » du Dr Nikiéma.
La population a finalement marché sur le haut-commissariat en 2012. Face à cette situation, le chef de terre de Batié avait recommandé aux manifestants une autre démarche. « Il avait voulu faire recours à la foudre pour retrouver le coupable », relate son représentant.Cette option n’avait pas emballé les marcheurs sous prétexte que des recherches étaient en cours.« Si aujourd’hui la population donne le feu vert, nous invoquerons la foudre. Celle-ci ne ment pas », confie le porte-parole du chef coutumier.
Le 3 octobre 2018, le responsable des jeunes de la province, Sotolo Sié, affirme que c’est au sortir d’une rencontre en 2011, entre les jeunes et le MCD que celui-ci a notifié que l’appareil se trouve à Léo, dans la province de la Sissili sans plus de détails. Des propos confirmés par le gestionnaire du CMA, Dominique Nana, en service depuis 2008. Il avoue qu’un jour il a vu le MCD se rendre à la police avec un gros document parce qu’il a appris que l’appareil se trouvait à Léo, chef-lieu de la province de la Sissili, à 149 Km de Batié.
Partis sur les traces de l’échographe à Léo, nous avons fait le tour de plusieurs formations sanitaires sur place à Léo. Sur six appareils répertoriés dans les quatre structures sanitaires de la ville, aucun n’avait les mêmes caractéristiques que celui disparu à Batié(L0GIQTM Alpha 100-V4). D’abord au Centre médico-chirurgical Dr Boukaré Sedogo, trois échographes dont deux portatifs sont tous venus de l’Allemagne, selon le directeur du centre, Omar Ouédraogo. Le 1er acheté en 2014 est de marque Siemens. Le 2e, une livraison de 2015 est Philips et le 3e est de marque Logio DC 2000 arrivé en 2017. Au CMA, l’unique appareil est aussi de marque Siemens, doté en fin 2011 par les mêmes Allemands intervenant au Centre médico-chirurgical Dr Boukaré Sedogo.
Le Centre de soins Notre- Dame- de- la- Miséricorde, dispose de deux appareils, dont un portatif offerts par des partenaires italiens. Les six échographes sont tous utilisés par un seul technicien supérieur en radiologie, Dieudonné Tancoano. « S’il y avait un tel appareil dans la zone, à vue d’œil, j’allais le reconnaître », a-t-il dit lorsque nous lui avons présenté la fiche technique et le manuel d’usage de l’échographe de Batié.
Un seul échographe portatif servant dans la zone lui échappe, celui du cabinet de soins médicaux« Win Malimé ».Selon le représentant du responsable de ce cabinet, l’appareil appartient à un certain Zongo résidant à Ouagadougou et qui intervient occasionnellement en l’absence de M. Tancoano. Nous avons essayé en vain de contacter le sieur Zongo.
Cette disparition de l’échographe a été portée devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Gaoua depuis le 5 octobre 2012. Selon l’actuel procureur de Gaoua, Yssouf Sanou, que nous avons rencontré le 4 octobre dernier, l’affaire suit toujours son cours. Mais pendant combien de temps les batiélais vont-ils continuer à parcourir de longues distances pour de simples échographies ?
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